Interview d’Emmanuel Olivier – Directeur Général chez Esker

08 | 01 | 2025

Interview d’Emmanuel Olivier – Directeur Général chez Esker

Introduite en bourse en 1997, Esker est devenue la plateforme de référence pilotée par l’IA pour la digitalisation des directions Finance, Achats et Service Client. Ses suites de solutions optimisent la gestion des flux de trésorerie, améliorent la prise de décision et favorisent les liens avec les parties prenantes.  L’entreprise a réalisé 178,6 M€ de chiffre d’affaires en 2023 dont plus des 2/3 à l’international. Une Offre Publique d’Achat lancée par le fonds Bridgepoint et le management est en cours depuis le 2 décembre au prix de 262 € par action (+30,1% vs cours avant la rumeur du 8 août 2024).

🗸 Depuis son introduction en bourse en 1997, le parcours boursier d’Esker est admirable. Soutenu par de nombreux investisseurs le cours de la société affiche une performance annuelle moyenne de plus de 10%. Pourquoi lancer une OPA aujourd’hui ? 

Nous envisageons de nous retirer de la cote mais nous sommes satisfaits de ce que la bourse nous a apporté jusqu’à maintenant. Être coté a répondu à nos attentes mais nous avons besoin d’un nouvel environnement pour accélérer notre croissance aujourd’hui. L’objectif de notre introduction en bourse de 1997 était d’établir une présence sur le marché américain à travers une politique active de croissance externe. Nous rencontrions beaucoup de succès en Europe et le développement aux Etats-Unis devait se faire par l’acquisition de petites sociétés américaines pour pallier le déficit d’image des acteurs du logiciel français. L’idée était de profiter de la liquidité de la bourse pour lever de l’argent et racheter des cibles par échange de titres.

Néanmoins, aujourd’hui la cotation dresse deux obstacles dans nos projets d’acquisition. Le différentiel de valorisation, qui semble devenir structurel avec les entreprises non cotées, et le temps long de la bourse, empêchant de disposer rapidement de résolutions d’Assemblée Générale pour, par exemple, lever de l’argent.

Dans le même temps, nous avons le sentiment d’être moyennement soutenus en France malgré une histoire relativement ininterrompue de hausse de rentabilité et un exercice de transparence auquel nous nous sommes prêtés.

🗸  D’un point de vue opérationnel, pouvez-vous nous en dire plus sur l’histoire de l’OPA ?

Il y a une demi-douzaine de fonds dans le monde qui pouvait être intéressé par Esker et à qui nous avons parlé. Nous connaissons Bridegpoint depuis longtemps car ils ont une branche Software/IT basée à Paris et font partie des acteurs qui comptent. Malgré la taille importante de leurs fonds, leur approche est entrepreneuriale, humaine et engagée. C’est ce qui nous a rapproché. Nous avons avancé sur le projet avec nos banques conseil au deuxième trimestre 2024 et annoncé l’opération au troisième trimestre. C’est un investissement important compte tenu de la mise en place de due diligence juridique, comptable… Et du respect de la confidentialité de l’opération en interne. Les sujets sensibles sont nombreux dans ce type d’opération mais nous les adressons au fur et à mesure. Pour le prix, étant à la fois vendeur et ré-investisseur, nous l’estimons satisfaisant, à la limite d’être trop haut en tant qu’acheteur et trop bas en tant que vendeur.

🗸 Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur l’issue de l’offre ? 

Notre capacité à offrir une liquidité immédiate à nos actionnaires historiques avec une prime significative (NDLR : +30,1% avant la diffusion de la rumeur le 8 août 2024), nous permet d’être confiant sur l’issue de l’offre. Bon nombre d’investisseurs étant rentrés au plus bas, le prix de l’offre à 262 € représente une plus-value intéressante. Néanmoins, ayant une géographie du capital très éclatée et un bloc initiateur de l’offre n’atteignant que 10,6% du capital, l’objectif des 90% pourrait être long à atteindre. L’atteinte du seuil de caducité de l’offre de 60% serait déjà un succès.

🗸  Qu’est-ce que cette opération pourrait changer pour le projet et les équipes d’Esker ?

Le mode de management d’un fonds de private equity n’est pas tout à fait le même que celui des dirigeants d’Esker, même si nous nous rejoignons sur bon nombre de points. La nécessité de réaliser une performance significative d’ici 5 à 7 ans va nécessairement ruisseler sur la performance des équipes. Avec un niveau d’exigence en hausse, il pourrait y avoir des adaptations nécessaires et un certain risque opérationnel mais toujours au service du projet. Pour nous adapter, nous attendons beaucoup de l’accompagnement et de la valeur ajoutée de Bridgepoint. Le maintien de la direction du groupe permet néanmoins d’inscrire cette nouvelle étape dans la continuité.

🗸 Quel message souhaiteriez-vous passer à un dirigeant/actionnaire qui réfléchit à entrer en bourse ?

La bourse a un intérêt pour une société en croissance qui considère qu’avoir une meilleure exposition financière, corporate et publique servirait son développement. Aborder la bourse comme un outil au service d’un objectif stratégique est une approche qui nous a réussi. Il faut y jouer le jeu de la transparence et de la communication pour en tirer les bénéfices en termes de valorisation et d’opportunités. Les règles imposées par l’exercice ainsi que les coûts ne sont pas si contraignants sur Euronext Growth. Pour certains, la chose la plus difficile à appréhender sera plutôt la volatilité mais cela fera partie du jeu.

modal