Interview de Julien Moulin, Président Directeur Général de la Française de l’Energie
La Française de l’Energie (FDE) est spécialisée dans la mise en place, via des circuits courts, de sites de production et de valorisation d’énergies. FDE approvisionne en gaz, électricité et chaleur, les acteurs régionaux, remplaçant ainsi l’énergie importée par une énergie locale, plus propre. FDE ambitionne de devenir un acteur indépendant de référence dans le secteur de l’énergie en Europe. Au 30 juin 2023, FDE a clôturé un exercice record avec un chiffre d’affaires de 39 M€ (+50%), et un résultat net de 11 M€ (+64%) en réaffirmant son ambition de délivrer un chiffre d’affaires 2026 de plus de 100 M€ et un EBE de 50 M€.
Julien Moulin, Président de la Française de l’Energie
? Quelle est la stratégie de croissance externe de la FDE ?
Notre conseil d’administration et la direction de FDE ont établi une matrice recoupant à la fois les énergies décarbonées clefs pour atteindre la neutralité carbone et les géographies sur lesquelles FDE est déjà présente ou sur lesquelles il nous semble opportun de nous positionner. Une fois ce filtre appliqué, nous nous concentrons sur des situations spéciales dans lesquelles notre agilité et notre expérience nous permettent de nous démarquer vis-à-vis de concurrents potentiels.
? Quel rationnel derrière votre dernière acquisition, Greenstat ASA ?
FDE est déjà présente en Norvège via sa filiale opérationnelle, Biogy Solutions AS, qui développe une série de projets de production de bio-GNL et de CO2 biogénique. Etant donné la volonté des parties prenantes d’accélérer les efforts pour décarboner leurs transports maritimes et process industriels, des compétences locales disponibles et du soutien financier de l’Etat norvégien pour atteindre ses objectifs, il nous semblait pertinent de renforcer notre présence en Norvège.
L’opération Greenstat est le type d’opération que nous aimons et savons exécuter. Greenstat a échoué dans son processus d’introduction en bourse en 2023 en Norvège sur la base d’une évaluation pré-monétaire de 85 M€. Nous avons entamé des discussions sur un éventuel partenariat dans certains de leurs actifs étant soit prêts à être construits, soit en passe de l’être. Compte tenu des capacités limitées de Greenstat sur le plan financier et opérationnel, nous avons réalisé que nous pouvions les aider de manière plus large car ils voulaient devenir producteur et opérateur d’énergie plutôt que de rester développeur. Ils avaient besoin d’une puissance de feu importante derrière eux.
Suite à notre due diligence initiale, nous avons bien apprécié la base d’actifs, leur positionnement ainsi que l’équipe de développement et projets H2 et solaire de Greenstat. Nous avons attendu qu’ils soient épuisés par un processus avec deux groupes de capital investissement et nous leur avons proposé une offre très agressive, prête à être exécutée, qui a été acceptée par la direction et le conseil d’administration de la société. Le prix d’entrée de FDE dans l’entreprise est très intéressant puisque FDE ne paie que 675 000 € par MW déjà en production sur la centrale photovoltaïque existante de 45 MW (détenue à 50 % par Greenstat).
Le portefeuille comporte également des projets PV et H2 en cours de développement (plus de 200 MW, principalement dans le solaire et le H2), près de 40 M€ de subventions intactes pour le développement de projets H2, des éléments talentueux dans l’équipe. L’entreprise est en bonne voie pour atteindre la rentabilité dès 2025 avec un chiffre d’affaires de 6 M€ et des frais de vente et d’administration surdimensionnés que nous pourrons réduire de manière significative.
Cette acquisition nous donne le contrôle d’un acteur reconnu dans le secteur des énergies vertes en Norvège qui offre de nombreuses des synergies financières et opérationnelles avec nos activités existantes en Norvège mais aussi en Europe continentale.
? Quels leviers pour atteindre la guidance 2026 de CA > 100 M€ et d’EBE > 50 M€ ?
FDE a été soutenu par un groupe de familles industrielles et financières françaises, suisses et belges. En 2015, nos progrès opérationnels et le plan pluriannuel d’investissements associés nous ont amenés à analyser toutes les options de financement envisageables : l’entrée d’un partenaire stratégique, un placement privé élargi, la participation d’un des fonds de private equity qui nous avaient approché jusqu’à l’introduction en bourse.
La bourse nous semblait mieux répondre à notre ambition d’indépendance et d’alignement d’intérêts entre les actionnaires et les membres de l’équipe tout en nous obligeant à monter en gamme en termes de reporting, de contrôle interne et de structuration d’une manière générale, et nous permettant à terme d’utiliser les titres FDE pour réaliser des opérations externes.
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? Quel retour d’expérience sept ans après la cotation en bourse ?
La cotation en bourse est un révélateur de la dynamique de la société, de l’économie générale mais aussi de l’appétit aux risques des investisseurs. Les small caps ont été particulièrement affectées par un facteur clés sur les dernières années de cotation : la décollecte presque continue des gérants de fonds small caps en France. FDE n’a donc pas bénéficier de l’ensemble des avantages associés à une cotation en bourse contrairement à certaines sociétés qui se sont cotées lors de la courte bulle de 2021-2022. Néanmoins, notre notoriété s’est fortement améliorée grâce à la création de valeur associée à nos développements opérationnels mais aussi grâce à la cotation qui nous a permis d’élargir notre base actionnariale. Nous avons plus de 12 000 actionnaires dont une grande partie habite dans les zones où FDE opère des sites de production d’énergies.
? Quel message souhaiteriez-vous passer à un dirigeant qui réfléchit à entrer en bourse ?
La bourse est un exercice excitant mais exigeant qui nécessite de bien se préparer en amont de la cotation et d’accepter que les variations quotidiennes du cours de son action ne reflètent pas la réalité sous-jacente de l’activité. Cela crée de la frustration mais aussi des opportunités qu’il ne faut pas hésiter à exploiter.