Interview d’Alain Falc – Président Directeur Général de Nacon et de Bigben

Interview d’Alain Falc – Président Directeur Général de Nacon et de Bigben
🗸 Cela fait 25 ans que Bigben est cotée en bourse, pouvez-vous revenir sur les grandes étapes de votre vie boursière ?
Avant l’IPO, nous nous sommes autofinancés et avions recours aux banques. Sans aucun fonds au capital jusqu’en 1999, nous avons levé 10 M€ en bourse pour accélérer notre développement. Nous n’avons ensuite plus fait appel au marché jusqu’en 2020, moment où nous avons décidé de scinder notre société en deux. Les gérants de fonds souhaitaient que l’activité soit plus lisible, nous avions des retours disant que nous faisions trop de choses entre les jeux vidéo, les produits audios et de télécommunication. Les gérants qui souhaitaient investir dans les jeux vidéo ne retrouvaient pas leurs billes et pensaient qu’en tant que pure player du jeu vidéo, la valorisation serait plus élevée. Nous avons ainsi créé une société avec un apport partiel d’actifs avec l’activité jeux video qui a été évaluée plus de deux fois la valorisation de Bigben, avant introduction en bourse de Nacon.
🗸 Quel est votre retour sur la cotation Nacon aujourd’hui ?
La valorisation est très faible puisque le secteur du jeu vidéo traverse une période de crise et que la communauté des gérants actions a plutôt tendance à s’éloigner de ce marché. Mais depuis 25 ans nous avons l’habitude de traverser des périodes fastes et des périodes plus compliquées. Quand le moment est difficile, il faut faire le gros dos, car, quoiqu’il arrive, la vague passe. Il y a des cycles où on utilise la bourse et d’autres où on ne l’utilise pas. A ce titre, on me propose souvent un retrait de côte mais cela n’a pas de sens car il y a toujours des phases où la bourse pourra être utilisée. A quoi bon sortir de cote car la valorisation est trop faible si c’est pour y revenir dans deux ans ? Et puis cet intervalle de déprime boursière peut constituer une opportunité pour se reluer. A titre personnel, j’ai déjà profité de fenêtres de tirs pour racheter des titres, en 2008, pendant la crise financière.
🗸 Depuis 2020, Nacon a procédé à de nombreuses acquisitions de studios de jeux, quelle est aujourd’hui votre stratégie de croissance externe ?
En 2020/21, pendant la période COVID, le jeu vidéo était devenu l’eldorado, les développements de jeux se sont multipliés et, dans la mesure où il faut trois ans pour développer un jeu, le moment est venu où il y a trop de jeux sur le marché. Dans le même temps la baisse de la productivité liée au télétravail et le fort turn-over des équipes de développement de jeux dans les studios ont généré des retards d’un à deux ans et des coûts de production plus élevés qu’anticipés. Ce délai supplémentaire a engendré environ 100 M€ de dettes supplémentaires, compte tenu des 70 M€ d’investissements par an que nous faisons dans nos jeux. Aujourd’hui la stratégie est de réduire la dette et les capex (NDLR : capital expenditure – investissement corporels) en réduisant le nombre de salariés dans les studios et en ayant moins recours à des studios externes. La conclusion est qu’il y aura beaucoup de jeux de qualité que l’on va sortir sur notre prochain exercice (NDLR : à partir d’avril 2025). Nous concentrant sur la réduction de notre endettement, nous porterons notre attention sur des acquisitions dans un deuxième temps.
🗸 Quels sont les leviers de croissance et les ambitions du groupe ?
Les leviers sont la multiplication des jeux mais aussi la diversification dans les accessoires vers les volants. Ce nouveau marché pèse 500 M$ et nous imaginons pouvoir prendre une dizaine de pourcent de parts de marché. Après environ deux ans de développement, les premiers volants devraient sortir en avril/mai 2025 et se mettre face aux quatre autres acteurs licenciés par Sony pour PS5 avec un positionnement haut de gamme. L’idée étant de démarrer sur une gamme performante pour les gamers, installer la marque et ensuite élargir la cible de clientèle.
🗸 Quel message souhaiteriez-vous passer à un dirigeant/actionnaire qui réfléchit à entrer en bourse ?
La bourse est un outil formidable qui permet de lever des fonds. Il y a des périodes propices et d’autres moins. C’est un éternel recommencement et dans les moments compliqués, il n’est pas exact de penser que la bourse ne sert à rien car son attrait revient toujours. Par ailleurs, si l’on met en perspective la bourse et le private equity, la bourse a l’avantage de l’autonomie de gestion. Effectivement, avec un fonds de private equity au capital, souvent majoritaire et qui a des exigences de rentabilité à court terme, peuvent émerger des conflits sur l’élaboration de la stratégie. Avec des milliers d’actionnaires qui ont la possibilité de vendre en cas de désaccord, cela pèse sur le cours, certes, mais la stratégie à moyen-long terme peut être déployée.